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Gonzague Saint-Bris : "Michael Jackson m'avait dit qu'il allait mourir à 50 ans"

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Captain' Smooth Casey
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La deuxième étoile à droite
Et tout droit jusqu'au matin !

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MessageSujet: Gonzague Saint-Bris : "Michael Jackson m'avait dit qu'il allait mourir à 50 ans" Gonzague Saint-Bris : "Michael Jackson m'avait dit qu'il allait mourir à 50 ans" Icon_minitimeSam 4 Juil - 11:52

Gonzague Saint-Bris : "Michael Jackson m'avait dit qu'il allait mourir à 50 ans"

Gonzague Saint-Bris : "Michael Jackson m'avait dit qu'il allait mourir à 50 ans" 3129726_saintbris345

"C’était en 1992, Michael Jackson avait décidé de faire le grand voyage pour retrouver ses racines en Afrique et découvrir le continent de ses origines, du Gabon à la Côte d’Ivoire. Il avait demandé à être accompagné d’un seul écrivain journaliste et c’était moi." Invité de RTL Soir, Gonzague Saint-Bris raconte ce voyage unique.

Il avait demandé à être accompagné d’un seul écrivain journaliste et c’était moi. Pourquoi avait-il voulu revenir sur la terre de ses ancêtres qu’il foulait au pas de course, coiffé d’un chapeau noir, vêtu d’une chemise écarlate et d’un pantalon sombre ? Pour réaliser les repérages du film qu’il rêvait de tourner : Back to Africa, Back to Eden.
Au moment où l’avion de Michael Jackson, un Boeing 707, en provenance de Los Angeles, se pose sur la piste de l’aéroport de Libreville, un homme rend son dernier soupir, c’est l’écrivain noir américain Alex Haley, l’auteur légendaire de ce chef-d’œuvre qui est aussi un best-seller, Roots. C’est comme un signe et la transmission du témoin. Le prince de la pop, qui a su rendre amoureux de lui plus de 38 millions d’humains, annonce la couleur, et elle est noire : « Mon retour à l’Afrique, c’est le retour au paradis. »

La Cadillac couleur Coca-Cola, à toit ouvrant, qui nous arrache à l’aéroport, fonce au milieu de la foule poursuivie par une nuée de fans en délire ; ce sont des milliers d’enfants qui courent derrière la limousine de Michael Jackson et lui, debout, cambré, en blouson à l’effigie de Mickey sur le dos, leur offre son sourire irrésistible. Maintenant, le wagon-salon marron de la méga-star roule sur le bord de la mer et la foule bigarrée rythme sa glorieuse apparition par un mugissement d’amour. Les noces avec l’Afrique de sa préhistoire personnelle ne font que commencer.
Jamais on n’avait vu une foule aussi animée depuis la venue de Nelson Mandela. Michael s’avance gracieux et libre dans cette véritable visite d’Etat qui le conduit d’une réunion de généraux à une réception au palais présidentiel d’Omar Bongo, dans les salons des ambassadeurs. Mais avant ces fastes officiels, Michael a exigé la fraîcheur : rencontrer son vrai monde et son univers élu, celui des enfants. Pour eux, un goûter géant de mille petits a été organisé à l’hôtel Intercontinental dans la salle des fêtes. Michael y pénètre avec Brett, un de ses petits cousins. Michael est épaté par ces gamins qui, pour lui, miment la fièvre locale et la danse des ethnies. Une toute jeune fille, Fang, de treize ans à peine, se déhanche devant lui et après sa démonstration, toute fière, vient me souffler dans l’oreille : « Je l’ai touché. »

Tout le monde sait que le personnage préféré de Michael Jackson est Peter Pan. Lui-même clame sa préférence : « Je me sens si proche de lui. » Dans la garde rapprochée de celui qui allait se rendre à Abidjan pour y être sacré roi dans le territoire Sanwi, un personnage m’intrigue particulièrement. C’est le chef cuisinier de la légende vivante, barbe noire, turban immaculé et sari blanc. Déjà, à Libreville, ce digne Hindou a été offensé dans sa profession. On lui a présenté des plats en aluminium pour servir son maître végétarien. Or, me confie-t-il malheureux comme les pierres : « Ça noircit les légumes à la cuisson. »
Il est maintenant consolé. Il a enfin trouvé des marmites en inox qui lui conviennent. Par hasard, j’apprends que le cuisinier indien est en fait un authentique Italien. Attention, l’habit ne fait pas le gourou ! Dans la nuit, Michael, qui regarde des vidéos bien après le crépuscule, a demandé des dessins animés. On lui a trouvé des cassettes en français, mais il les a refusées. Le lendemain, nous nous enfonçons dans le pays profond de cette province Woleu-N’tem qui est forestière en pays Fang. Je suis ému par son choix : une visite à une mission chrétienne, la paroisse Sainte-Thérèse d’Ango, fondée par les pères blancs dans les années vingt. Dans cette église, dans ce collège, dans ce petit séminaire de Saint-Kisito, toujours les enfants portant des fleurs et des banderoles : Welcome Home Michael.

A partir du 12 février, Michael passe de l’hémisphère Nord, dans lequel se trouve la ville d’Oyem, à l’hémisphère Sud où l’on rejoint Franceville. Là, nous allons vivre la miraculeuse expérience du véritable retour aux sources, avec la découverte de la majestueuse vallée de l’Ogué, qui irrigue de ses affluents tout le Gabon septentrional. Nous sommes tous les deux fascinés par la beauté sereine de ce bassin fluvial qui constitue une gigantesque réserve d’eau. Je lui parle de l’Italien naturalisé français, Pierre Savorgnan de Brazza, né à Castel Gandolfo, qui en amont de ce fleuve était persuadé de faire la jonction avec le fleuve Congo, tandis qu’en aval, c’est Lambaréné où Albert Schweitzer a fondé sa fameuse léproserie en 1913. Ainsi Michael découvre Franceville, ses hauts plateaux, ses chutes d’eau, ses canyons. C’est là que je vais assister à une scène hallucinante.
Les pygmées se sont déplacés pour le voir, eux qui d’habitude ne quittent jamais leur hutte ronde. Jamais ils n’ont vu autant de monde sur la place de l’Indépendance. Alors que le groupe Empire de Djogo fascine la star surtout à travers son batteur à tambour exceptionnel, la nature africaine reprend ses droits : une pluie tropicale tombe sur l’assistance précédée de la foudre et du tonnerre. C’est comme un signal pour le délire de la danse. Les pygmées se mettent à s’agiter en cadence devant lui, tandis que la méga-star, posée sur un tabouret, danse en les regardant mais en restant assis !

Le soir même, Michael Jackson décide que nous passerons la nuit dans la forêt. Nous resterons au cœur de l’Afrique, avec celui qui agit déjà comme un féticheur et qui commence à reconnaître les ressorts sorciers et leurs effets.
A l’hôtel Lekoni Palace, Michael Jackson ne dort pas. Sans doute sait-il maintenant que les Bakotas, ethnie du nord du pays, racontent que lorsqu’ils s’allongent, ils se métamorphosent – comme dans son clip – en panthères ! Peut-être a-t-il appris que le perroquet gabonais gris à la queue rouge de Port-Gentil est celui qui imite le mieux son timbre de voix. Dans la nuit, c’est sa métamorphose, il a changé de régime et commandé pour la première fois du poulet avec des bananes frites coupées très finement.
A trois heures du matin, il a réveillé le chef de cuisine pour demander du pain ; aux aurores, il s’est fait commander un petit déjeuner de céréales. A sept heures du matin, quand je sors sur mon balcon, j’ai comme une apparition. Il est là, lui aussi, sur son balcon rond posé de profil, comme une figure de proue de l’Afrique, silencieux et tranquille, scrutant dans l’aurore rose, sur un paysage verdoyant de la saison des pluies, baigné d’une nappe d’un brouillard bleuté, ces vallons que Savorgnan de Brazza comparait à ceux de la Franche-Comté.
C’est bien lui avec son nez redessiné et son clivage au menton, immobile comme une statue de sel à l’orée rouge des plateaux Batékés. A l’apparition du matin je lance un « M’bolo » de bienvenue. Celle-ci me répond par un « Samba » fort aimable.

Le culte des ancêtres, Michael Jackson l’a compris en contemplant l’arbre tour Eiffel, celui dont les branches repiquent dans la terre, car se sont des racines qui ont connu l’air. Michael Jackson dans cette Afrique réelle, nage dans le bonheur. Il était prêt à recevoir cette tradition d’abolition du temps marié à une intégration de l’espace qui ressemble tant à la symphonie fantastique de sa musique.

Avant de s’envoler pour Abidjan la star, qui n’a pas donné d’interview depuis neuf ans, me reçoit dans sa suite saumon de l’Okoumé-Palace. Au huitième étage, dans sa main droite sa Bible reliée de noir. Toujours ses manières fragiles et ses sourires séraphins qui contrastent avec la brutalité de ses body-guards. Il me parle de Paris, ville pour laquelle sa passion est capitale : « La prochaine fois, j’aimerais visiter le Louvre avec vous de fond en comble. »
La conversation tourne autour de la peinture. Ses couleurs préférées sont celles qu’il porte aujourd’hui : le rouge et le noir. Et tandis que je lui indique ma passion pour Vinci, il m’oppose sa préférence pour Michael Ange tout en contant l’extase ressentie durant sa visite privée, il y a dix-huit ans, à la chapelle Sixtine spécialement ouverte pour lui par le Vatican.
A-t-il la passion des livres ? Chez lui en Californie, il se plonge dans des ouvrages de philosophie, de médecine, d’histoire et d’architecture, il est aussi un grand amateur de biographies historiques. Son personnage préféré, Abraham Lincoln, dont il possède une réplique de la haute silhouette sous forme de robot. Ses films fétiches ?
Elephant man : il a tenté d’acquérir les restes du squelette de John Merrick conservé depuis un siècle au London Hospital et bien sûr ET de Steven Spielberg devenu un ami : « Son histoire, c’est l’histoire de ma vie par bien des côtés. E.T se sent étranger, veut être accepté et est à l’aise avec les enfants. »
Confession d’un mutant du siècle : « Je me sens étranger dans la vie avec les gens de tous les jours… C’est une chose que j’essaie de surmonter. » En Afrique, il y est parvenu dans une fusion de tous les instants avec le continent noir et au Gabon, il a traversé plus de quarante ethnies comme si son silence splendide et les gestes fraternels qu’il adressait aux foules étaient leur unique langage.

Tandis que les tribus délivraient leur musique, il les accueillait avec la tendresse et la tranquillité du sorcier. Fermé par la magie des Noirs, Michael Jackson en recevait les signes, à la fois impavide et proche. Dans ce pays où la musique trouve ses origines dans les coutumes rituelles exprimées par les masques, il n’a en quelques jours jamais perdu le sien, tout en disant la vérité sur son visage pâle : « Ma plus grande joie est de savoir que je peux choisir mon visage. Une fois que c’est fait, on ne peut s’empêcher de se regarder dans le miroir, on se sent sublime. »

Ainsi, ce mélange de Narcisse, de Louis II de Bavière noir, de Peter Pan et de Terminator, est-il devenu dès le premier soir et en une seule nuit sous l’équateur le petit Mozart de la grande Afrique. Un souverain enfant qui a trouvé dans la réserve de Wonga-Wongué son nouvel ami.
Au milieu des éléphants, des buffles des Sitatungas et des gorilles, il s’est choisi pour compagnon, un bébé chimpanzé en souvenir de son cher Bubbies, adorable petit singe disparu. Comme je lui demande de me montrer l’animal, il m’explique que c’est impossible : « Chaque fois qu’il passe dans d’autres bras que les miens, il a peur et se met à mordre. »
Alors, sur son visage, apparaît une expression indéfinissable, feux posés sur la grâce de ses traits aux aplats, creusés dans le marbre. Ainsi est l’archange de la nouvelle race du parfait métissage. Il me dit qu’il viendra bientôt en Europe pour la sortie de son film Back to Africa, Back to Eden. Avec insistance, il me parle de Paris, où il rêve de venir dévaliser le magasin de jouets Le Nain Bleu. En France, il aime tout.
Notamment l’eau d’Evian dans laquelle il a pris coutume de se baigner. Je l’invite chez moi dans la vallée de la Loire et lui décris la demeure familiale, le Clos-Lucé d’Amboise où vécut et mourut Léonard de Vinci : style Renaissance, façade de briques et de pierres. Il me parle de son manoir d’en Cino de style Tudor, qui surplombe les collines de Malibu, véritable nid d’aigle sur la côte Ouest, desservi par un petit train, avec des tourelles illuminées, des beffrois baroques et dans la galerie intérieure la statue équestre de Louis XIV et celle de David luttant avec Goliath.

Face à sa demeure, une fontaine dans la pièce d’eau du parc, des cygnes blancs et noirs et tout autour des lamas, des girafes, des daims, des boas constrictors. Quel rêve fou n’a pas encore assouvi celui qui, enfant à l’école primaire, disait à son institutrice : « Un jour vous verrez, je vivrai dans un château ! »

Metteur en scène de ses propres songes, il fait passer dans ses clips la réalité de ses métamorphoses. Ainsi a-t-il une idée folle qui concerne le cœur de la jungle paraguayenne : « J’y ferais construire des pyramides de trente mètres de hauteur pour pouvoir recharger régulièrement mon énergie psychique. » Tout le rapproche désormais de l’Egypte, son obsession des pyramides, son parcours africain, qui après le Gabon, la côte d’ivoire, la Tanzanie, le Kenya, le conduira peut-être dans la Vallée des Rois.
Sa nouvelle manie qui consiste à acquérir des momies. Son dernier clip, où, troubadour en décalage horaire dans l’Antiquité, il séduit la femme du pharaon dans un palais égyptien de fantaisie. Alors, j’ose la question du Temps : « A quel âge souhaitez-vous disparaître ? » C’est sans souci que le Peter Pan du XXe siècle, qui a l’air d’un chanteur heureux, me répond en souriant, visionnaire sans le savoir : « A cinquante ans ! »
Comme l’a si bien écrit de lui Steven Spielberg : « Il est un des rares innocents du monde. C’est un enfant, vedette émotive, qui se présente aux autres comme s’il se tenait hésitant sur les franges d’une sorte de brume crépusculaire. »
Happé par sa suite, Michael Jackson va partir. Il a toujours ce geste étrange de se pincer les narines du bout des doigts, ou de porter souvent l’index droit à son menton. Je regarde les mains du chanteur, qui, en contraste avec son visage, ont, elles, gardé les traces de son voyage dans le temps. Ses veines sont gonflées et plutôt apparentes ; c’est là que court le rythme fou d’une Afrique de retour sous une peau américaine. Je comprends alors pourquoi on a pu dire de lui qu’il était à la fois un très vieil homme et un très jeune enfant. Et aujourd’hui je me mets à penser : « Tu as assez souffert Michael. Paix désormais à ton âme. » Car, roi des médias, il a connu la crucifixion par la communication. Comme l’a écrit cruellement Oscar Wilde : « Tout symbole l’est à ses risques et périls. »
Avant de me quitter, il me cite un ancien proverbe indien : « Ne jugez pas un homme tant que vous n’avez pas marché deux lunes d’affilée dans ses mocassins », c’est ce que j’ai tenté de faire huit jours durant sur ses pas en Afrique, et c’est ce que je ne ferai pas : le trahir à jamais.

Ainsi furent ses derniers mots. Un testament pour le passé, une recommandation pour aujourd’hui, et un principe pour le futur.



Source : Edition France Soir du mercredi 1 juillet 2009 page 6 / ElusiveShadow / RTL.FR
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